Cette histoire est une grâce du chemin de Compostelle. Le 15 août 2021, la famille de Charette (les deux parents et leurs cinq enfants) sont arrivés à Santiago. Bouclant ainsi un chemin entamé en 2007 au Puy-en-Velay. Emilie, la maman, a pris la plume pour nous raconter cette aventure exceptionnelle.
« Compostelle.
Dimanche 15 août 2021,
fête de l’Assomption.
Les ultimes kilomètres au tout petit matin.
Arriver dans la ville silencieuse et découvrir le parvis de la cathédrale quasi désert.
Savourer avant l’invasion des touristes.
Clore cette aventure par l’Essentiel, avec la messe de l’Assomption (les chanceux du botafumeiro en activité, unique !).
Un chemin de persévérance, de fidélité et de dépouillement tout au long de ces années, l’un de ceux qui procurent une joie profonde.
Un chemin qui débute en 2007, un peu par hasard, par une couverture de journal. Un homme et son âne en route vers Compostelle font la Une d’un hebdomadaire, et leur histoire attire mon attention. Un projet sur du long terme (et l’avenir nous le prouvera !), que nous pourrons reprendre là où nous l’avions laissé, avec le but de Compostelle. Un seul critère : marcher en famille complète. S’il en manque un, on ne part pas … Et au gré des déménagements professionnels qui nous entraînent à travers la France et même en Grèce, (nous habitons actuellement en région parisienne), nous “ratons” en tout trois années et effectuerons le chemin de Saint Jacques en onze ans. Nos créanciales sont probablement les plus remplies de la route !
Eté 2007 donc, nous nous élançons à 5 depuis le Puy-en-Velay, avec Raphaël, Albane et Paola, du haut de leurs 4, 3 et 1 ans respectifs. A Aumont-Aubrac, Inès commence son chemin à deux mois (!) et Amaury, à cinq mois, à partir de Cahors.
Sacs à dos d’enfants, ânes, carrioles, poussette, nous avons tout eu (!) et pouvons désormais écrire un guide pour les familles, toutes tranches d’âges d’enfants confondues …
En France, nous marchons seulement quelques jours par an, du lundi au vendredi, soit à la Toussaint, soit à Pâques, tandis que nous parcourons l’Espagne en deux -longues- parties, en août. En 2019, la grande aventure du Camino del Norte, qui est assez rock’n roll quant aux hébergements et autres files d’attente interminables devant les albergue municipales … Nous gardons de ces journées un souvenir incroyable, dans des paysages splendides.
La pandémie stoppe net notre retour en Espagne l’été suivant, et c’est donc cette année que nous arrivons à Compostelle. Un accomplissement et une bénédiction tant nous sommes comblés au fil des heures ; je garde le souvenir de cette arrivée comme une vraie grâce.
« Tout est prière sur ce chemin »
Certains nous demandent si nous effectuons un pèlerinage. Pour la Normande que je ne suis pas, j’ai envie de répondre oui et non à la fois. Nous confions chaque journée à travers un Je Vous Salue Marie offert devant ou dans une église au petit matin, et un vrai temps de prière tous ensemble clôt chaque journée.
Je dirais plutôt que tout est prière sur ce chemin. A travers le silence, à travers l’intimité du cœur de chacun d’entre nous, à travers la beauté des paysages traversés, à travers les rencontres qui touchent ou qui bousculent, à travers les mille et une aventures qui nous sont arrivées. J’ai dans le cœur certaines personnes que nous avons rencontrées et qui restent présentes dans une réelle affection ; mon dernier clin d’œil sera pour Marie-Rose et Arlette qui nous ont re-cueillis (!) avec une grande délicatesse à l’accueil des pèlerins francophones à Compostelle …
Alors oui, cette marche est pleinement dans la tendresse du Seigneur, de manière peut-être discrète, mais dans une profonde gratitude et un émerveillement de ce que nous avons réalisé tous les 7.
Et la suite désormais ? Ou la seconde question que l’on nous pose souvent … La suite, elle est pour le moment dans le retour au quotidien, moins incroyable et routinier certes, mais qui se nourrit aussi de ce que nous avons vécu d’exceptionnel avec Saint Jacques. Il faut du temps. Le temps de donner une fécondité à tous ces souvenirs engrangés au fil des ans. Le temps d’un deuil aussi, à la joie de l’accomplissement se mêle une certaine mélancolie, celle de la fin. Je souhaite surtout à chacun de nos enfants que cette aventure ait ouvert leur coeur à toujours plus grand et plus large qu’eux. Pendant ce temps, nos chaussures de marche reprennent leur souffle, dociles au prochain périple familial qui nourrit déjà les discussions! »