Depuis 2014, prenant la suite d’une proposition diocésaine qui s’essoufflait, j’ai proposé un pèlerinage sur les chemins de Compostelle, dans une formule qui permettait de rejoindre Compostelle en 8 jours, à pied et en bus. J’ai ainsi accompagné plus de 20 pèlerinages, avec 50 personnes à chaque fois. Au début, on faisait une quinzaine de km à pied par jour, avec l’étape « mythique » du passage de Roncevaux et ses 26 km, soit une centaine de km sur la semaine, le car nous emmenant chaque soir à l’étape suivante. Puis cette formule s’est modifiée, avec une étape ultime permettant d’aller jusqu’à Fisterra. Et un parcours pour des personnes ne pouvant faire que 5 km par jour a également été proposé, à leur demande, dans le même esprit, mais avec une distance plus courte correspondant aux possibilités de chacun.

Petite ou grande marche quotidienne, cela permet à des personnes qui ne pourraient pas faire la totalité du chemin, de vivre une belle démarche sur le chemin de Compostelle. Parfois, ce sont des personnes dont le conjoint a fait la totalité du chemin et qui souhaitent découvrir le chemin, aller à Compostelle tout en marchant sur le chemin.
Et c’est une démarche vécue en groupe, avec une animation spirituelle quotidienne, dans l’esprit jacquaire, c’est-à-dire ouverte à toutes les sensibilités religieuses. Tous les matins, au départ, dans le car, une petite musique douce permet le recueillement et prépare à accueillir le thème de la journée : des thèmes variés : « Construire des ponts » pour évoquer toutes les solidarités vécues, « Monter à la montagne », pour évoquer comment chacun s’élève et grandit dans sa vie, « Aller au bout du chemin », ce qui permet de réfléchir au sens de l’existence… Et bien sûr une présentation de la vie de l’Apôtre St Jacques, avant d’arriver à Compostelle. Textes profanes et textes bibliques sont proposés et chacun reçoit un feuillet qu’il pourra reprendre quand bon lui semblera, certains au retour du pèlerinage prendront le temps de les relire. Chaque jour, le chant des pèlerins lance la marche et, sur le chemin ou dans une chapelle, des petits moments de prière peuvent être proposés. Chaque jour aussi, une heure de silence est proposée, ce qui permet à un groupe important de vivre un peu d’intériorité, d’écouter le chant des oiseaux, le souffle du vent et de laisser son esprit vagabonder peut-être ou d’exprimer sa prière.
La célébration dans la cathédrale de Compostelle est aussi un moment fort, plein d’émotions, avec ou sans le « Botafumeiro », célébration où chacun apporte ce qu’il a vécu au long du chemin, évocation des rencontres conviviales, des intentions que chacun porte en lui, des rencontres d’autres pèlerins qui font le chemin d’une autre manière. Et la remise de la coquille, à Fisterra, coquilles réalisées par les sœurs de la Visitation, (monastère de notre diocèse), prend toute une signification pour les personnes qui viennent d’effectuer ce pèlerinage.
La convivialité vécue dans le groupe, les diverses tâches et responsabilités que chacun peut prendre, depuis les « gilets jaunes ou oranges » qui encadrent la marche, ceux qui apportent un coup de main au chauffeur pour charger et décharger les valises, ceux qui se sont portés volontaires pour ramasser les petits déchets qui peuvent se trouver sur le chemin, et bien d’autres petites tâches selon les compétences musicales ou d’animation de chacun, tout cela permet de construire une ambiance qui étonne les personnes qui voient cela de l’extérieur.
Dans les temps où l’autocar nous emmène à l’étape du soir, en plus des temps de « sieste » et repos bénéfique après la marche, des personnes qui ont fait le chemin peuvent témoigner de ce qu’elles ont vécu. Et à l’issue de cette semaine, plusieurs personnes se sont mises en route pour faire le chemin dans sa totalité.
Les personnes qui ont vécu cette démarche témoignent de leur satisfaction et proposent à d’autres dans leur entourage, de s’inscrire pour un prochain pèlerinage. Tout cela est possible grâce au soutien logistique d’une agence de voyage pour la réservation des hôtels, des restaurants, des guides…et pour la couverture juridique nécessaire pour l’accompagnement de groupes.
Accompagner ces pèlerinages m’apporte un immense bonheur car chaque groupe est riche de sa diversité. Après avoir moi-même parcouru la totalité du chemin, en avoir été profondément marqué par les innombrables rencontres avec des pèlerins et des personnes qui nous ont accueillis, je souhaite que d’autres bénéficient de cet esprit d’entraide, de simplicité, de fraternité « universelle » qui se déploie sur ce chemin. Nombreux sont les témoignages des pèlerins qui ont participé à cette forme de pèlerinage et qui disent ce que cela leur a permis de vivre, comme temps d’intériorité, de rencontres, de découvertes des paysages, des monuments, et de ce chemin « patrimoine de l’humanité ».
Père Roland Gautreau