Il est bien connu que beaucoup de ceux qui s’engagent sur le chemin de Saint-Jacques ne le font pas pour des motivations chrétiennes.
Un certain nombre d’entre eux, cependant, deviennent peu à peu pèlerins et sont touchés par la grâce d’une rencontre avec le Christ et son Église. C’est ce dont témoignent les équipes de l’accueil francophone à Santiago, qui ont la grâce de recueillir les confidences de ces pèlerins, lors des partages d’expérience qu’ils animent. Il n’est pas rare que certains de ces pèlerins en profitent même pour se confesser et communier au terme de leur pèlerinage.
Quelles que soient leurs motivations, les marcheurs ou les pèlerins sont très sensibles à la proposition qui est faite, à de nombreuses étapes, de la bénédiction du pèlerin. Tous n’en comprennent pas le sens et d’aucuns prendront ce rite incontournable comme quelque chose de mystérieux, voire de superstitieux, qui va bien avec une démarche somme toute tellement décalée par rapport à l’ordinaire de leur vie, dans une société où règne le matérialisme et le consumérisme. Sur le chemin, on est dépouillé de tant de gadgets qui donnent l’illusion de maîtriser sa vie, plus disponible pour la gratuité, pour ce qui n’est pas du domaine de l’utile.
Dans le cœur de tout pèlerin, il y a même un secret désir de la transcendance, voire de Dieu lui-même qui appelle mystérieusement tout homme à le rencontrer.
D’où l’importance de cette bénédiction, un sacramental qui oriente délicatement le cœur du pèlerin vers un Dieu qui nous aime et prend soin de sa créature, en l’assurant de sa protection et de son secours dans les aléas de son existence, même s’il faut parfois fermer les yeux pour discerner sa présence.
Une bénédiction qui fait partie de ce que l’on appelle la piété populaire, à la portée de tous et dont le caractère immédiatement accessible à la situation où l’on est, est un moyen simple de faire entrer la foi dans le cœur des hommes. Les hauts lieux de dévotion populaire, comme Lourdes et Saint-Jacques de Compostelle, montrent bien qu’il n’y a pas besoin d’être un catholique convaincu et adulte dans la foi pour sacrifier aux rites simples qui y sont proposés : toucher le rocher de Massabielle, se laver à la fontaine, faire l’abrazo à la statue de Saint-Jacques… La foi n’est pas une posture abstraite ou éthérée, elle s’enracine dans le concret de notre existence humaine faite de chair et de sang. Ce n’est pas pour rien que, pour nous rejoindre, Dieu s’est fait homme et a assumé notre condition humaine en toute chose à l’exception du péché. Les sacrements, qui prolongent sa présence d’Incarnation, et les sacramentaux nous relient réellement à lui, et par lui à Dieu.
La bénédiction est un geste qui rappelle la bonté de Dieu pour l’homme. Benedicere, en latin, signifie dire du bien. À travers la bénédiction, Dieu dit du bien à ceux qui la reçoivent avec un cœur ouvert et les invite à demeurer dans le bien qu’il nous dit.
À certaines étapes, le pèlerin pourra même participer à la messe, la messe des pèlerins, suivie précisément de la bénédiction des pèlerins. Pour le fidèle qui entreprend ce pèlerinage comme un temps de purification et de conversion, symbole de sa vie, car nous sommes des pèlerins sur la terre, en marche vers le Royaume des Cieux, la participation à l’Eucharistie est très importante. Ce pain de vie, dans lequel c’est Jésus lui-même, réellement présent, qui se fait notre nourriture, est le véritable « viatique », de via, en latin, qui signifie chemin. Jésus est le pain de la route qui nous donne la force de ne pas défaillir en chemin et, en nous unissant intimement à lui, Il nous accompagne de sa présence.
Je forme le souhait que les prêtres des paroisses traversées par le chemin de Saint-Jacques aient le souci de proposer aux pèlerins la messe et la bénédiction, jalons sûrs de leur rencontre avec le Christ.
+ Marc Aillet
Évêque de Bayonne
