En cette année jacquaire 2021, un livre collectif, dirigé par de Gaële de la Brosse, rend hommage au chemin de Saint-Jacques. Témoins connus, mais contenus inédits et originaux.
Hommage au patrimoine religieux universel ! Après A Notre-Dame de François Cheng, les éditions Salvator proposent un second titre pour cette nouvelle collection. Voici donc un ouvrage collectif A Compostelle, hommages au chemin de Saint-Jacques. 34 personnes ayant effectué le chemin ou ayant des liens avec lui, ont répondu à l’invitation de Gaële de la Brosse pour rendre hommage au Camino.
On y trouve des écrivains, des grands voyageurs, des historiens, des journalistes, des religieux, des photographes, des artistes, des entrepreneurs, un acteur, un réalisateur, un homme politique, une éditrice, un théologien, un accueillant.
Un voyage dans la conscience
Encore des gens connus qui témoignent, serait-on tenté de dire au premier abord. Encore Patrick Poivre d’Arvor, Jean-Pierre Raffarin, Jean-Christophe Ruffin, Bernard Ollivier, Yves Duteil, Alix de Saint-André, Edouard Cortès, Luc Adrian, Adeline Rucquoi, Patrick Huchet, Yvon Boëlle etc. Encore le petit cercle des pèlerins célèbres et fort estimables mais à qui l’on tend à nouveau le micro, alors que tant de pèlerins anonymes vivent de si belles choses.
Oui, on pourrait se dire tout ça et… passer son chemin. Mais l’originalité et le caractère inédit, ajoutés au recul pris, donnent un réel intérêt aux contributions de ces illustres. L’abécédaire de l’ancien Premier ministre de Jacques Chirac révèle ainsi la passion de son auteur pour un « voyage dans la conscience, plus profond qu’il n’en a l’air » au cours duquel « on passe son temps à visiter son intérieur, à tenter de saisir son âme ».
Bernard Ollivier nous rappelle qu’il s’agit d’un chemin de résilience. Il se met dans la peau d’un jeune en rupture racontant son camino. Ca ou rester en prison… En écho, Jean-Christophe Ruffin parle d’un « chemin de liberté intérieure »… Un « avant-goût du paradis » pour Adeline Rucquoi.
Attardons-nous maintenant sur les témoins censés être moins connus. Commençons par ces saynètes drôlatiques imaginées par Philippe Fenwick pour évoquer la création du pèlerinage. Où l’on retrouve, dialoguant, Pélage, Théodomir, Godescalc. Décapant. La chanteuse basque Anne Etchegoyen livre, elle, avec subtilité, sa version alpha et omega du chemin.
Si vous saviez comme je vous ressemble »
L’ancien recteur de la cathédrale du Puy-en-Velay nous propose son « évangile selon Saint-Jacques ». Mgr Emmanuel Gobilliard imagine l’apôtre parlant aux pèlerins d’aujourd’hui. « Si vous saviez à quel point je vous ressemble, vous seriez étonnés » commence Saint-Jacques. Savoureux…
Ji Dahai, premier artiste peintre chinois à avoir fait le chemin, relate comment celui-ci a inpiré ensuite toutes ses créations. De sa « Marche inspirante » sur le Camino, la poètesse japonaise Mazoda Mayuzumi distille quelques haïkus jacquaires.
Revoici Laurence Lacour, la journaliste qui s’était ressourcée sur le chemin de Compostelle après des épreuves professionnelles fortes. Devenue éditrice, elle nous rappelle, comment, à deux reprises, le chemin a « sauvé l’essentiel de sa vie ». Très émouvant. Comme l’est aussi le « retour à Compostelle » de Hervé Bellec. En 1986, barman à Brest, ce Breton était parti de la cité du Ponant pour la Galice. Il avait relaté avec succès son épopée dans Garce d’étoile. 30 ans après, Hervé Bellec a retrouvé -en voiture- Santiago et l’Espagne bien changés. Le chemin aussi…
Sous forme de lettre, Céline Amaya Gauthier écrit à ses deux enfants combien le chemin est le « lieu idéal pour apprendre à traverser la vie ». Fille de l’écrivain Henri Vincenot (Les étoiles de Compostelle), Claudine Vincenot nous rappelle que « c’est bien en marchant que l’on devient pèlerin de Saint-Jacques mais aussi pèlerin de notre propre vie ».
« Nos boîtements intérieurs »
Terminons par trois coups de coeur. En premier lieu, les aphorismes du curé de Navarrenx Ludovic de Lauder, qui aime marcher en hiver sur le Camino Norte. Puis Humbert Jacomet l’historien qui, dans un texte ciselé (Du vagabondage au mariage), avoue qu’il n’en est jamais vraiment « revenu » de son premier pèlerinage avec des étudiants en 1976.
Enfin, concluons avec le texte le plus intime et le plus percutant, celui de Céline Hoyeau: « dans l’impasse, trouver le chemin ». La pèlerine, journaliste à La Croix, nous confie comment elle a réussi, au fil des pas, à régler un problème existentiel. « Le Camino nous révèle nos boitements intérieurs. Y consentir, les assumer est la tâche qui nous revient » écrit-elle. Magnifique.
Autant de pèlerins, autant de chemins…
A Compostelle, hommages au chemin de Saint-Jacques, aux éditions Salvator.
Ouvrage collectif, sous la direction de Gaële de la Brosse.
254 pages. 17 euros.